L'histoire des chevrons verts de la chasse
Le langage aéronautique, qui plus est celui de l’aviation militaire, est très imagé. De la même façon les us et coutumes de l’armée de l’Air devenus des traditions, aujourd’hui très normées, ont parfois des origines obscures ou du moins méconnues parce que spontanées. Lucien Inguimberti (1920-2010) fut pilote au GC 1/5 « Champagne » sur P-39 Airacobraen 1943 puis sur P-47D Thunderbolt, en 1944 et 1945 et achèvera sa carrière comme commandant de la base aérienne de Giens-Hyères 1. « Titi » rapporte dans ses mémoires personnels rédigés pour sa famille en 1998, l’origine des chevrons verts que portent encore aujourd’hui certains chefs de patrouille et chefs navigateurs de l’aviation de chasse :
« Au cours d’un rassemblement des anciens de la 3e escadre de chasse à Nancy, nous nous posions la question sur l’origine des brisques vertes de la chasse qui ornent nos uniformes et nos insignes d’escadrons de chasse. Aucun document officiel à ma connaissance n’en donne l’existence. Nous avons alors cherché parmi nos grands Anciens, parmi ceux qui avaient vécu l’époque des régiments d’aviation. Le colonel de la Martinière qui fut officier pilote au GC I/5 Champagne, au GC I/4 Navarre et à la 3e escadre de chasse nous en donna l’explication : dans les années 30, l’aviation française était composée de régiments de chasse (2e à Strasbourg, 3e à Châteauroux), de régiments de bombardement de jour (11e et 12e) et de nuit (21e et 22e) et un certain nombre de régiments mixtes (33e à Dijon, 34e au Bourget, 35e à Lyon, 38e à Thionville). Ces régiments mixtes préfiguraient les aviations d’armées du temps de guerre et comptaient de fait un groupe de reconnaissance, un groupe d’observation et un groupe de chasse. À l’époque, on portait le numéro de régiment au milieu des ailes formant l’insigne brodé du personnel navigant [au-dessus de l’étoile] ainsi qu’entre les ailes de la casquette. En 1932 je crois, le lieutenant Bordier du Raincy, notre cher ami Jojo*, du groupe de chasse de Thionville**, et chasseur passionné, disait avec humour : Si je porte un 2 ou un 3, on voit tout de suite que je suis un chasseur, mais avec un 38 ! il fit alors broder par son tailleur, au-dessus du n°38 [de ses ailes brodées de poitrine], deux petites brisques de couleur verte, rappel des soutaches de col portées par les chasseurs à cheval. Cette innovation lui valut, je crois bien, quelques jours d’arrêts simples, mais fut très vite copiée dans tous les régiments mixtes, puis généralisée dans la chasse, et même transformée en brisques rouges ou oranges dans les autres subdivisions de l’armée. Il y a de fortes chances pour que je sois l’un des derniers, sinon le dernier, à pouvoir donner ces explications ».
Jean Machet de La Martinière (1909-2003) était entré à l’École Spéciale Militaire en 1928 dont il était sorti sous-lieutenant pour être envoyé́ à l’école d’application de l’aéronautique. Affecté à l’école pratique d’aviation d’Avord, il y avait été breveté́ observateur le 18 juillet et pilote le 25 novembre 1931. Affecté d’abord au 38e régiment d’aviation et nommé lieutenant, il avait rejoint, le 1er octobre 1933, la 1re escadrille (SPA 95) du groupe de chasse I/6 à Reims. Le 1er janvier 1935, il commandait la 2e escadrille (SPA 153) du groupe devenu GC I/4. Capitaine le 15 septembre 1937, il avait été muté à l’état-major du groupement de chasse n°23 en 1938 et, volontaire, avait effectué́ plusieurs missions de guerre durant la bataille de France avec le I/4. Il avait été ensuite commandant en second du GC I/5, le 17 juin 1940, puis commandant du GC 1/4, le 30 juillet 1943, recevant le grade de commandant deux mois plus tard. En mars 1944, « en poursuivant un Ju-88 [il] eut son avion touché et fut obligé de sauter. Bien installé dans son dinghy, il faillit y rester. Malgré́ les recherches effectuées par tous les groupes, il n’était pas retrouvé au bout des 40 heures règlementaires. Le commandant Monraisse, alors premier commandant de la 3e escadre de chasse, désespéré́, voulu faire une dernière patrouille, et miraculeusement le retrouva ; repêché au bout de 44 heures, il était bien vivant quoique brûlé par le soleil » (mémoires inédits du capitaine Boitelet, sous-lieutenant pilote au I/5 en 1940 et officier opérations du 1/4 en 1944). Le 20 juin 1944, le commandant de La Martinière avait été nommé à l’état-major de la 3e escadre de chasse comme adjoint du commandant Monraisse. Il lui succède le 7 juillet 1944 et commande l’escadre jusqu’au 3 juin 1945. Lieutenant-colonel le 6 juin et adjoint à l’inspecteur de l’aviation de chasse le 30 juillet 1945, il terminera la guerre, qu’il a pourtant passée à des postes de responsabilité, avec 106 missions de guerre dont 24 de chasse-bombardement, la croix de guerre avec palme du 3 avril 1944, la croix d’officier de la Légion d’honneur du 16 juin 1945 ainsi que les Distinguished Flying Crosses britannique du 22 janvier 1944 et américaine du 25 février 1946. Après un bref passage au centre des hautes études militaires aériennes puis au centre d’enseignement supérieur aérien il commandera le 3e bureau à l’état-major général des armées le 12 mars 1946. Dégagé des cadres à sa demande, le colonel de La Martinière fut admis dans la réserve à compter du 30 décembre 1946 puis retraité en 1949.
* le capitaine Joseph Bordier (1908-1941) est mort pour la France le 26 août 1941 abattu en attaquant une batterie de DCA au Levant à bord d’un Dewoitine D 520 du GC II/3.
** le groupe de chasse du 38e régiment d’aviation comprenait alors quatre escadrilles : les SPA 95, SPA 153 et SPA 62 de l’actuel 01.003 Navarre ainsi que la SPA 73 du 02.008 Nice, récemment dissous.
Colonel (R) Olivier Lapray
Les foulards de la chasse.
Ce n'est pas le CDAOA, ce n'est pas la FATAC...Que sont-ils devenus ces magnifiques...
In memoriam Jean-Claude LARTIGAU
L'APC a la tristesse de vous faire part du décès du GAA Jean-Claude Latigau.Né en 1937, breveté...
Transmission
Le formidable Congrès de la Chasse de 2022 a comporté quelques temps forts, le vendredi 18...
In memoriam: Gal Hugues NERET
L'APC a la tristesse de vous faire part du décès du Général Hugues NERET survenu le 14 octobre...
Chronique aérospatiale du CESA
Par l'adjudant-chef Jean-Paul Talimi, rédacteur au CESA.Résumé: en septembre 1944, le groupe de...
Voeux du Président de l'APC
Chers membres de l’Association des Pilotes de Chasse,J’ai l’immense plaisir de m’adresser à vous...